20. 12. 2023

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20. 12. 2023

Contribution d'invité : une nouvelle feuille de route ferroviaire pour l'Europe

Les défis européens en matière de transport international de voyageurs sont évidents. L’Europe a besoin de plus de chemins de fer, mais les chemins de fer ont aussi besoin de plus d’Europe. Avec la participation de chacun, nous mettrons ensemble davantage de personnes sur le rail – du train de nuit au train à grande vitesse.

Par Andreas Matthä, président de la direction d’ÖBB (Chemins de fer fédéraux autrichiens) et président de la Communauté européenne du rail CER (Community of European Railway and Infrastructure Companies)

Tandis que Noël approche à grands pas, la nouvelle année a déjà commencé pour les chemins de fer. Chaque année, le deuxième dimanche de décembre, les horaires sont mis à jour dans toute l’Europe. À cette occasion, d’importantes adaptations sont faites pour les passagers. Dans l’Union européenne, le changement est encore à venir. En 2024, un nouveau Parlement européen sera élu et une nouvelle Commission européenne présentera son plan de route pour la nouvelle législature à l’automne. Avec le Green Deal européen, l’actuelle Commission s’était fixé des objectifs ambitieux en matière de transition verte, avec un rôle clé pour les chemins de fer écologiques. Mais qu’apportera le nouveau plan de route de l’UE aux chemins de fer ? Les défis européens en matière de trafic ferroviaire international de passagers sont évidents. Tout ne peut et ne doit pas être résolu par l’UE, et je ne pense pas que toutes les réponses de l’UE soient justes. Néanmoins, il est clair pour moi que l’Europe a besoin de plus de chemins de fer et que les chemins de fer ont aussi besoin de plus d’Europe !

Un système européen plutôt qu’un patchwork national

L’Europe a besoin de mettre les passagers dans des trains plutôt que dans des avions et des voitures. Pour répondre à la demande accrue et exploiter tout le potentiel du marché, le « système ferroviaire » doit d’abord remplir certaines conditions de base : une infrastructure solide et performante et une gestion moderne. Ensuite, une capacité suffisante sur les rails et de l’ordre dans le système.

Nous n’en sommes malheureusement pas encore là en Europe. Nous disposons d’un patchwork de systèmes techniques et d’exigences réglementaires. Un trafic voyageurs libre nécessite toutefois un système ferroviaire continu qui franchisse sans peine les frontières nationales. Le fait que les conducteurs d’un train international doivent changer à chaque frontière n’est plus admissible, tout comme le fait que chaque pays ait des exigences différentes en matière de sécurité et les signaux des significations différentes. Le besoin d’harmonisation dans l’exploitation ferroviaire est énorme. Si nous voulons être compétitifs face à la route, nous avons besoin d’uniformisation et de simplification ! Conduire un train international à travers l’Europe devrait être aussi simple que conduire un autocar ou un camion à travers des frontières.

Nous avons également besoin de plus d’actions communes et de plus de coordination dans le développement des infrastructures et la gestion des chantiers.

Par conséquent, lorsque la Commission européenne établira son nouveau plan de route, j’espère y trouver des initiatives pour des normes communes et une coordination européenne, avec pour objectif de créer enfin un Single European Railway Area pour les chemins de fer, sur le modèle réussi du Single European Sky.

La voie de la libéralisation ne nous mène pas au but recherché

Je perçois la Commission européenne actuelle comme une administration continuellement en lutte avec des conflits d’objectifs. Pour atteindre les objectifs du Green Deal, nous avons clairement besoin de plus d’équité dans la concurrence entre les modes de transport routier, ferroviaire et aérien. Mais je ne pense pas que nous ayons actuellement besoin d’une libéralisation totale du transport ferroviaire, comme semble le souhaiter la Commission européenne. Cette dernière encourage une obligation d’appel d’offres pour les services publics de transport de voyageurs par chemin de fer avec de nouvelles lignes directrices pour les contrats de transports publics (dits contrats PSO). De mon point de vue, cela n’apportera aucune amélioration pour nos clients et clientes. En effet : les pays qui attribuent directement leurs services de trafic ferroviaire sont les pays ferroviaires les plus performants d’Europe. Cela se traduit par exemple dans le coût moyen du voyage par kilomètre, ainsi que dans la ponctualité. En Europe, la Suisse mène devant l’Autriche et la France en matière de ponctualité. Trois pays avec attribution directe.

Le train de nuit connaît une renaissance

Je suis convaincu que si la Commission européenne et les entreprises ferroviaires font leurs devoirs, il sera possible d’exploiter le potentiel de marché des différents groupes cibles. Le segment des trains de nuit en fait partie. Les chemins de fer fédéraux autrichiens sont aujourd’hui le leader européen des voyages de nuit. Mais nous n’en sommes pas les seuls responsables. Les liaisons ferroviaires transfrontalières sont toujours le fruit d’un travail d’équipe. La renaissance des trains de nuit a été possible grâce au travail commun avec les CFF ainsi que la DB, les NS, la SNCB et la SNCF.

Selon la Commission européenne, le nombre de liaisons ferroviaires de nuit en Europe a diminué de 65 % entre 2001 et 2021. Inverser cette tendance n’est pas chose aisée. Toutefois, la prise de conscience croissante de la protection du climat par la population, et surtout parmi les jeunes, a donné un coup de pouce dans ce domaine.

Déjà, la situation initiale était difficile, avec un parc de trains de nuit totalement obsolète en Europe. Les chemins de fer fédéraux autrichiens ont décidé très tôt d’investir environ 800 millions d’euros dans une modernisation complète de leur flotte. Une partie de cette somme est consacrée à la rénovation complète de wagons plus anciens. La majeure partie, soit 720 millions, est destinée à 33 Nightjets de nouvelle génération.

La voiture-lit à 4 places du Nightjet des chemins de fer fédéraux autrichiens de nouvelle génération circulera entre Vienne et Hambourg à partir de 2024.

Les trains à grande vitesse sont la solution

Aujourd’hui, les chemins fédéraux exploitent 21 lignes Nightjet en collaboration avec nos partenaires ferroviaires et transportent environ 1,5 million de passagers par an. Notre objectif est de doubler ce nombre pour atteindre 3 millions de passagers d’ici 2030. Cependant, sur le plan économique, cette renaissance du train de nuit est un véritable exercice d’équilibriste. Le train de nuit est un produit coûteux. Une place assise dans un train longue distance se vend jusqu’à quatre fois par jour, tandis qu’un lit dans un train de nuit ne se vend qu’une fois. L’hôtellerie itinérante est coûteuse, les longues distances entraînent un péage ferroviaire élevé et des frais d’électricité importants. Tant que des distorsions de concurrence subsisteront par rapport à la route et à l’avion, les trains de nuit auront besoin de plus de soutien politique et financier pour pouvoir rivaliser. Là encore, je vois un rôle constructif à jouer pour la Commission européenne.

Malgré le succès du train de nuit, je tiens à affirmer clairement que ce dernier ne peut pas être à lui seul la solution à la décarbonation des transports. Il restera un produit de niche. Le remplacement à grande échelle des vols court et moyen-courriers en Europe nécessite un réseau performant de liaisons à grande vitesse entre les capitales et les métropoles européennes. Nous avons encore un long chemin à parcourir dans ce domaine.


Andreas Matthä est le président de la direction d'ÖBB (Chemins de fer fédéraux autrichiens) depuis 2016 et a plus de 40 ans d’expérience professionnelle dans le secteur ferroviaire. Il a occupé un certain nombre de postes de direction au sein du groupe ÖBB dans les domaines des projets d’infrastructure ferroviaire, des ressources humaines, des finances et du contrôle de gestion ainsi que de la gestion des actifs. Depuis 2020, Matthä est également président de la Communauté européenne du rail (CER) et s’engage activement au niveau européen en faveur d’un meilleur cadre réglementaire, économique et technique pour le transport ferroviaire.